Angèle Vannier

Angèle Vannier (1917 – 1980). La traversée ardente de la nuit par Dominique Bodin et Françoise Coty. Editions Cristel, 9, boulevard de la Tour-d’Auvergne, 35400 Saint Malo, France.

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Ce très beau livre, hommage à une femme exceptionnelle, poétesse, celte, aveugle, est la première biographie qui est consacrée à Angèle Vannier.

Voici quelques mots extraits de la préface de Jean-Pierre Siméon qui introduisent à la dimension de cette femme :

« Il se trouve en effet qu’Angèle Vannier, confie-t-il, manifestait dans sa personne, dans son travail de création, comme de témoin oraculaire des profondeurs cachées, le vœu le plus intransigeant de la poésie : affirmer les voies d’une vie intense qui récuse la limitation du sens et la répression du désir. Angèle était l’incandescence même, on aurait cru à la voir et entendre dire ses poèmes, debout dans sa parole fervente, écharpe rouge au cou, « une flamme qui parlait «  (j’emprunte la formule à Dante). Tant par la sensualité chaude de sa voix que par la puissance suggestive des images dont elle armait sa langue, elle subjuguait. »

Questionner le langage, bousculer la langue, la mettre au service d’une recherche métaphysique, traverser une double obscurité, celle du corps, celle du monde, avec une lucidité terrible, n’excluent pas la dimension prophétique de sa poésie.

Angèle Vannier est trop oubliée. Celle qui fut proche de Paul Eluard, Théophile Briant, Edith Piaf, parmi d’autres, aurait pourtant dû attirer davantage l’attention.

 

Couv Angèle Vannier

 

L’ouvrage est très documenté et articulé par périodes inégales : Le temps des sources (1917 – 1944) ; Le temps des envols (1944 – 1953) ; Le temps des maturations (1953 – 1958) ; Le temps des interrogations (1958 – 1963) ; Le temps des métamorphoses (1963 – 1967) ; Le temps des impasses (1968 – 1973) ; Le temps des replis (1973 – 1980). Mais, sa vie créatrice fut plus mouvementée encore que cette division ne le laisse penser en raison des multiples facettes de son être, parfois déroutantes. Intéressée par la psychanalyse comme par le surréalisme, ou encore l’astrologie, elle sait passer d’une recherche à une autre et les mêler de manière originale. Sa vie amoureuse est tout aussi riche et complexe.

En annexe de l’ouvrage, de très nombreux documents viennent illustrer, parfois éclairé, le propos. Un choix de poèmes clôt l’ouvrage dont celui-ci :

 

L’aveugle à son miroir

A hauteur d’ange : La Maison du Poète (1958), Seghers (1961)

 

L’ange exterminateur a retourné mes yeux

Vers la terre promise et la face de Dieu.

Je bénis cette main qui l’a donné le droit

De changer l’eau en vin à la table du roi.

 

Aveugle chaque jour, j’entre dans mon miroir

Comme un pas dans la nuit comme un mort dans la tombe

Comme un vivant sans cœur dans un corps de colombe.

Mais je vois de mes yeux courir sous le manteau

Quelque chose de Dieu qui passe et qui repasse

La couleur d’un amour qu’un regard d’homme efface.

 

Et mon sang dévasté par le tour des orages

Travaille à dégager sa course du chaos

A calculer le poids des armes et bagages

Que la vie vous accroche en douce sur le dos.

 

Le marchand de miracle est passé par ici

Mes yeux sont au tombeau mon âme au paradis.

Seigneur tu m’as promis que je lirai ce soir

Le véritable nom de l’arbre dans e noir.

 

Les prêtres du soleil ont tout vu ont tout dit

L’aveugle à son miroir cherche à violer la nuit.

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