Jusqu’à la cendre par Claude Luezior. Librairie-Galerie Racine, 23 rue Racine, 75006 Paris.
C’est une poésie violente pour un monde violent. C’est une poésie lumineuse pour un monde lumineux. Les opposés, qui ne viennent pas nécessairement en coïncidence, et les paradoxes de la vie, qui à la fois se multiplie et s’auto-détruit, sont comme le sang des poèmes de Claude Luezior.
Aucune facilité, aucune dérobade, aucun contournement, le choc du vivant qui ne cesse, de réplique en réplique, de s’étendre. Une dualité corrosive mais aussi créatrice. Art de mort et art de vie. Mais toujours la beauté, parfois ensanglantée.
Sans fin
interstices
rugueux
des catacombes
ici s’étreignent
les ossuaires
d’atroces attentes
et s’érigent
en monolithes
les prières
de craie
ici-même
le refuge
avant l’arène
finale
avant l’ultime
solution
des couloirs
à perte de vie
et dans les niches
alcôves
et dédales
une danse
pour tibias disloqués
…
Il y a un ordo ab chaos chez Claude Luezior, sauf que ce n’est pas l’ordre qui émerge, plutôt la liberté, l’amour ou encore une horreur sacrée, qui se nourrissent du chaos pour s’élever vers la lumière, un instant, juste un instant, parfois davantage, à peine.
Chairs vives
goutte à goutte
leur sang
ne cesse
de ruisseler
jusqu’à nous
encre indélébile
encre
toujours
vive
encre à jamais
rouge
malgré les fours
crématoires
chairs
décharnées
regards
à travers
les pages d’Histoire
ces visages
me dévisagent
concentré
inhumain
tellement humaines
de désespoir
Dans ce monde en cendre, quelques joyaux scintillent avec élégance pour restaurer l’être, malgré tout.
Intime
une épaule
peuplée de tendresse
pour trébucher
parfois
une épaule sans limite
estuaire
qui répare
quilles et mâts
à la dérive
une épaule
gestation
quand se recroquevillent
mes angoisses fœtales
une épaule
métamorphose
de mes argiles
une épaule
où frémit
sa pudeur
une épaule qui respire
au gré d’un sein
tout juste issu
du paradis
son épaule
fertile
nourrissant
mes carences
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